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Par Jennifer Lea, Juriste pour ADF International à Strasbourg, France – association de juristes défendant la liberté devant la CEDH, et qui a bénéficié de l’instruction en famille (IEF).

Que pourrait donc justifier la qualification des enfants qui bénéficient de l’instruction en famille comme étant des « sauvages » ? C’est pourtant ce que le Ministre de l’Education nationale affirme de façon indigne. Aussi choquant que cela soit, le 12 février 2021, après une première lecture, l’Assemblée Nationale, a décidé en faveur de la scolarisation obligatoire, signant ainsi l’arrêt de mort de l’instruction en famille, un droit pourtant sanctuarisé en 1882 par Jules Ferry.
Toutefois, aujourd’hui, la Commission de la Culture, de l’Education, et de la Communication au Senat offre de l’espoir : elle annonce qu’elle est en faveur de maintenir l’IEF et de supprimer l’Article 21. Rien n’est confirmé encore, le Senat doit encore débattre en plénière à partir du 30 mars et voter d’ici le 8 avril, lors de sa première lecture.
C’est donc avec grande confusion que le monde continue de porter le regard sur la France, pays des libertés, lors de ces débats sur l’Article 21 de ce projet de loi annoncé par le président le 2 octobre 2020. Ce projet de loi vise à combattre les séparatismes, ou plutôt à « conforter les principes républicains ».

Parmi les nombreuses restrictions proposées (contrôle de la liberté d’expression, contrôles sur la liberté de cultes, contrôles des associations, etc.), il est consternant de voir ciblé l’un des droits le plus fondamental – pratiqué par des personnes de tous bords – celui à l’instruction en famille. Dans un article du Monde le 12 février, la rapporteuse de l’article 21, Anne Brugnera, affirme bien de manière péremptoire que « le fait de retirer son enfant de l’école et de la société est une forme de séparatisme ».
Cependant, actuellement, près de 3 millions d’enfants dans le monde profitent de l’instruction en famille. Par exemple, le Royaume-Uni compte environ 48 000 enfants instruits en famille, le Canada 95 000, l’Australie 30 000 et les États-Unis 2,5 millions. Ces chiffrent ne cessent de croître chaque année. Selon l’UNESCO, des centaines de millions d’enfants supplémentaires sont actuellement instruits en famille en raison de la pandémie Covid-19. À quelques exceptions près, la majorité des pays européens autorisent cette pratique. En France, l’instruction en famille augmente, avec 62.000 entants instruits en famille, incluant ceux touchés par la pandémie. Cela n’empêche pas le gouvernement français de s’opposer à cette tendance mondiale en tentant d’interdire cette liberté fondamentale. Le ministre de l’Éducation nationale qualifie effectivement les enfants instruits en famille de « sauvages », le ministre de l’Intérieur de « petits fantômes de la république », et la Commission spéciale de l’Assemblée Nationale, emmenée sur le sujet par leur rapporteuse pour qui l’instruction n’est pas concevable, menace aussi les parents de retirer temporairement leurs droits parentaux en cas de non-respect de cette interdiction.

Toutefois, le Conseil d’État français s’oppose à cette interdiction surlignant que « le passage d’un régime de liberté encadrée et contrôlée à un régime d’interdiction ne paraît pas suffisamment justifié et proportionné », et la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) soutient que « ces mesures limitent significativement la liberté d’enseignement. »

En dépit des mises en garde du Conseil d’État et de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, des 489 amendements généraux, et des 160 signatures sur 40 amendements appelant à la suppression de l’Article 21, l’Assemblée Nationale a voté en faveur de l’interdiction de l’instruction en famille, avec entrée en vigueur des nouvelles dispositions fixée à septembre 2022. Les députés n’ont ajouté que quelques exceptions limitées : « la santé ou le handicap, l’itinérance de la famille ou éloignement géographique d’école, la pratique sportive ou musicale intensive », ou l’existence d’une « situation propre à l’enfant », concept particulièrement flou juridiquement et qui ouvre la voie à l’arbitraire. Ce faisant, l’Assemblée Nationale inquiète beaucoup les parents qui pratiquent l’instruction en famille, comme l’a souligné le député Charles de Courson en parlant de « violence à leur égard ». L’article 21 fait aussi basculer un régime de liberté déclaratif à un régime d’autorisation, ce qui revient à interdire l’instruction en famille sans réel justificatif. En effet, l’objectif du gouvernement français d’intégrer les enfants dans des écoles agréées par l’État pour prévenir les séparatismes n’est justifié ni par le principe républicain de liberté, ni par le droit international, ni par les données en France (ou ailleurs dans le monde). La loi et les recherches montrent aussi que la liberté en matière de choix d’éducation des enfants va dans l’intérêt de l’enfant et d’une société aux valeurs républicaines.

La croissance de l’instruction en famille dans le monde est bien fondée au regard du droit international, qui reconnaît les familles comme les éléments fondamentaux de la société, et qui favorise le choix parental en matière d’éducation. L’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme énonce cette liberté fondamentale : les parents doivent avoir le choix d’éduquer leurs enfants de la manière qu’ils jugent la plus appropriée. L’article 2 du protocole I de la Convention européenne des droits de l’homme est claire : les parents ont le droit de choisir l’éducation de leurs enfants. La Convention internationale des droits de l’enfant stipule clairement que les enfants ont le droit d’être éduqués en fonction de la culture, de la langue et des traditions de leurs parents. En outre, des données de recherche internationale sur l’instruction en famille montrent que ce type d’enseignement présente d’innombrables avantages pour les enfants, les familles et la société. Les enfants instruits en famille présentent un meilleur dossier scolaire, obtiennent de meilleurs résultats aux tests d’admission à l’université. Un taux plus élevé de ces enfants poursuivent des études supérieures. L’instruction en famille permet aussi aux familles de prendre en compte le niveau et le style d’apprentissage des enfants en tenant compte de leurs dons, de leurs difficultés et de leur personnalité. Cela permet aux enfants de perfectionner leurs compétences dans des domaines d’intérêt spécifiques. Les enfants instruits en famille passent également plus de temps avec leur famille à s’investir dans des projets de bénévolat associatif et de solidarité.

La France est fière de sa tradition républicaine et de sa devise « liberté, égalité, fraternité ». Cependant, poussée par le désir de vaincre les diverses influences séparatistes extérieures, cette liberté se retrouve rapidement érodée de l’intérieur. S’écartant dangereusement des lois internationales et des tendances mondiales en matière d’instruction en famille, la France se trouve à la croisée des chemins. L’État peut imposer le conformisme ou prendre position pour courageusement protéger ce « rêve de l’État idéal » que revendique George Clemenceau – un rêve qui ne deviendra réalité qu’en respectant les libertés fondamentales, et notamment la liberté de choix des parents et la dignité des enfants. Reste à espérer que le Sénat réaffirmera ces libertés lors de sa première lecture. France, effectivement, le monde entier te regarde !

« Vous rêvez de l’État idéal et, au nom de ce rêve, vous bâtissez l’omnipotence de l’État laïque qui est une tyrannie. »

George Clemenceau

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